10 Avril 2019
Le voilà enfin, l'article que j'attendais tant, celui sur les fameux Tulou du Fujian ! C'est quand même la raison pour laquelle je suis partie dans le Fujian au départ ! Et quel bonheur !
A la base l'article s'intitulait "deux jours dans les tulou du Fujian", mais en le rédigeant je me suis vite rendue compte que c'était bien trop long, donc j'ai coupé en 3 parties. Aujourd'hui je vous parle des tulou de manière générale, et dans les deux prochains articles je vous raconterai mes deux jours dans les comtés de Nanjing et de Yongding.
Les tulou du Fujian, en chinois fujian tulou 福建土楼, sont des bâtiments communautaires traditionnels des populations hakka, que l'on trouve dans le sud de la province du Fujian. Ils rassemblent parfois plusieurs centaines de personnes.
Un tulou, en chinois 土楼 (prononcez "tou-lo") veut dire "maison de terre".
La plupart des tulou ont été construits entre le 12e et le 20e siècle.
On les reconnait très facilement par leur forme ronde et leur taille imposante, mais sachez qu'on trouve des tulou de toutes les tailles, ou presque, et même des carrés.
Ils sont faits en terre crue, avec une structure en bois, et une base en pierre, afin d’assurer la solidité et l'étanchéité du bâtiment. Ce sont des édifices extrêmement résistants, qui ont été conçus pour résister aux incendies, inondations, tremblements de terre et invasions extérieures. En effet, la forme ronde des tulou, en plus de souligner l'unité de la communauté, a d'abord une fonction défensive. Ce sont de véritables forteresses.
Généralement, il n'y a qu'une porte principale, qui est fermée le soir et toute la nuit, et pas d'autres ouvertures vers l'extérieur, sauf parfois quelques fenêtres ou quelques meurtrières.
A l'intérieur, c'est tout aussi impressionnant ! Des habitations qui s'étalent sur plusieurs étages, des cuisines en plein air, un temple, des commerces, un tulou c'est un village à lui tout seul !
Malgré son allure de forteresse imprenable de l'extérieur, quand on rentre dans la cour intérieure, c'est une toute autre atmosphère ! On ressent très fortement l'ambiance communautaire, là dans le coeur du tulou.
Au rez-de-chaussée (le premier étage en Chine), c'est donc la cour principale, un espace commun où les gens passent la majeure partie de leur temps. On y trouve généralement un autel, ou un temple, qui autrefois faisait aussi office d'école pour la communauté.
Toujours au premier étage, on trouve également les cuisines, ainsi que des espaces pour prendre le repas. C'est l'étage où les pièces ont le plus de hauteur.
Au deuxième étage, on trouve les stocks et les vivres. Ainsi, la nourriture est à l'abri, au sec et en sécurité.
Aux étages supérieurs, ce sont les habitations et chambres à coucher. La seule façon d'accéder aux étages, c'est par les escaliers communs. Il y en a plusieurs dans un tulou.
Les pièces sont toutes de la même taille, et chaque famille habitant dans le tulou a une portion égale d'habitation, tout en vertical. Une famille dispose par exemple d'une pièce au premier étage, puis celle à l'étage au-dessus, puis celle du dessus....
Les Hakkas, en chinois kejia ren 客家人, sont les descendants des Chinois qui ont fuit les invasions du nord de la Chine à partir du 3e siècle. En perpetuelle migration, ils ont fini par s'installer sur les terres du sud de la Chine, notamment dans le Guangdong, le Guangxi, le Fujian et à Taiwan.
Bien que les Hakkas aient une identité qui leur est propre, ce n'est pas une ethnie. Ils sont descendants de Chinois Han, l'ethnie majoritaire, puis se sont aussi mélangés avec les ethnies et les populations locales des endroits où ils s'installaient.
Les Hakkas ont une culture Han, mais avec des spécificités qui leur sont propres : langue (le hakka 客家话, qui est aussi parlé dans le Guangdong), tenue vestimentaire, folklore, architecture... Ce qui est également propre aux Hakkas, c'est l'importance du vivre-ensemble comme on peut le constater à travers les tulou, et l'importance de se rattacher à une communauté, à un passé commun et à des ancêtres communs. D'ailleurs, du fait de toutes ces migrations, les Hakkas n'ont pas de particularité religieuse ou d'attachement à un temple particulier, par contre, ils attachent énormément d'importance au culte des ancêtres. Les Hakkas sont très fiers d'être Hakka, de faire partie de cette communauté et cet arbre généalogique.
Les Hakkas sont réputés pour être des personnes laborieuses, car ils se sont battus pour s'installer et garder leurs terres, s'adapter et travailler la terre en région montagneuse. Par ailleurs, ils ont souvent été rejetés et discriminés par les populations locales là où ils immigraient.
Aussi, ils ont la réputation d'être éduqués. Vue que l'agriculture ça donnait pas des résultats très fructueux, les hommes Hakkas s'investissaient d'avantage dans des carrières militaires et des études, en vue de postes dans les administrations publiques. Pendant ce temps, les femmes travaillaient les champs (elles n'avaient d'ailleurs pas les pieds bandés). Les Hakkas ont donné naissance à de nombreuses personnalités célèbres, notamment militaires et politiques, telles que Deng Xiaoping, Sun Yat-Sen, l'ancien président Taiwanais Ma Ying Jeou, le premier premier-ministre de Singapour Lee Kuan-Yew... Dans d'autres catégories, on peut citer également le réalisateur John Woo, l'acteur Chow Yun-Fat, le créateur Jimmy Choo ou encore Ip Man, le maître de Bruce Lee. La liste est longue, je vous invite à la lire sur wikipedia.
Aujourd'hui les Hakkas sont évidemment intégrés au reste de la population, peu de gens vivent encore dans les tulou, et les Hakkas constituent une énorme partie de la population chinoise, notamment dans le sud de la Chine, mais aussi à l'étranger. Il y a d'ailleurs un proverbe qui dit "Là où il y a du soleil il y a des Chinois, et là où il y a des Chinois il y a des Hakkas" : 有陽光的地方就有華人, 有華人的地方就有客家人.
Il y a environ 3000 tulou du Fujian. Ils sont concentrés sur 3 zones géographiques : Nanjing, Yongding et Hua'an. Par ailleurs, il est rare de ne trouver qu'un tulou, généralement ils sont rassemblés en groupe, que l'on appelle en anglais cluster, et qun 群 en chinois.
Ce n'est pas une destination touristique majeure, que ce soit sur le plan international ou national. Même si certaines zones sont plus visitées que d'autres, les tulou étaient encore inconnus et très peu visités par les touristes chinois il y a peu. Mais cela tend à changer. En effet, 46 tulou du Fujian sont classés au Patrimoine Mondial de l’UNESCO, le bureau du tourisme chinois met l’accent sur cette province du Fujian, et tente d'y développer le tourisme, notamment grâce aux tulou. D'ailleurs, les habitants abandonnant la vie à la campagne pour aller travailler à la ville, la plupart des tulou était peu à peu abandonnés. Aujourd'hui, ils revivent.
Avec les efforts du bureau du tourisme, certains des tulou les plus connus sont, à leur échelle, de véritables usines à touristes. Les habitants ont échangé leur métier dans les champs pour se consacrer à des activités liées au tourisme : vente de thé, photographie, création d'artisanat souvenir, ouverture de maisons d'hôtes, etc, et d'autres sont même venus/revenus vivre dans la région. On peut se demander ce qu'il restera de l'authenticité des tulou dans les années à venir. Néanmoins, le développement du tourisme a clairement redynamisé la région et a permis de sauver ce patrimoine, le restaurer et le conserver.
La plupart des touristes font un day tour, un tour organisé d'un jour donc, à Nanjing ou Yongding, puis repartent. Cela dit, je trouve que c'est bien plus intéressant d'y passer deux jours, pour voir plus de tulou, et, surtout, s'imprégner de l'atmosphère sans égal de la campagne chinoise.
Voilà, c'est tout pour aujourd'hui ! J'ai peut-être oublié des choses, mais, de toute façon, j'ai encore beaucoup de choses à vous raconter sur les tulou et les deux jours que je leur ai consacré ! J'essaie de garder encore un peu de mystère !
A bientôt !