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Mon expérience de prof en Chine

Mon expérience de prof en Chine

Ça fait des mois que j'envisage de poster cet article, mais je me suis dit que j'allais attendre d'en avoir vraiment fini avec ça, pour de bon. Pour changer, je vais écrire un pavé, un peu plus personnel que d'habitude, et mon expression sur la photo ci-dessus décrit assez bien le feeling de cet article.

Bref, j'étais prof en Chine et j'ai démissionné.

Pour remettre les choses dans le contexte, je ne suis pas prof de formation. Par contre, je bosse dans le secteur de l'éducation. En France, j'étais chargée de projets internationaux, j'ai travaillé pendant 3 ans et demi dans une organisation qui bosse dans le secteur de la mobilité internationale, entre autres, je bossais sur le programme Education et Formation d'Erasmus+. Ça se passait très bien, mais j'ai quitté mon poste, en CDI, mon appartement, tout, car je souhaitais revenir en Chine, avec mon homme, ce pays me manquait et j’avais envie d’une nouvelle expérience pro et de nouveaux challenges. Le boulot de professeur de français s'est présenté assez facilement, et comme j'avais déjà été prof et formatrice auprès de jeunes, et que je souhaitais continuer dans l'éducation, je me suis dit pourquoi pas. Au pire, ça me fera une entrée dans le secteur, en Chine. 

Je vais donc tenter de vous livrer mon ressenti à moi, mon expérience. Bien entendu, ce n'est pas le cas partout, il y a des profs qui sont très bien lotis, mais, comme beaucoup d'autres profs ici, c'était loin d'être mon cas. Sachez aussi que je travaillais dans un centre de formation privé, pas une école publique. Ce n'est pas la même chose.

Je mets quelques photos pour illustrer, où on ne voit pas trop le visage des enfants bien entendu. Par ailleurs, à la base je ne voulais pas mettre le nom de l'école pour la jouer clean jusqu'au bout, mais au final j'en ai absolument plus rien à faire. Sachez donc que l'école porte le nom d'un célèbre fleuve français qui traverse Paris, ça commence par La et ça finit par Seine.

Les heures de travail

Avant d'arriver, on m'avait dit qu'il fallait que je fasse, selon la loi chinoise, 40h de travail par semaine, mais qu'il fallait que je travaille le samedi. J'ai donc demandé si j'allais avoir un autre jour off par semaine. On m'a dit « oui, bien sûr ». Évidemment, le contrat ne rentre pas dans les détails. Finalement, arrivée sur place, il se trouve que les horaires étaient 9h-18h, du lundi au samedi. Avec le dimanche comme seul jour off. Ouais, un weekend de 1 jour.

  •     Je leur ai dit « Euh, attendez, vous m'avez dit que j'aurai un autre jour off ! »
  •  « Euh non non »
  •  « Mais vous m'avez dit 40h, selon la réglementation chinoise »
  •  « Oui oui, c'est ça »
  •  « Bein 9-18h, 6jours/7, ça fait 48h ! »
  •  « Ah bon ? Ah mince alors ! »

Ce gros foutage de gueule.

L'intensité du travail

Là aussi, c'était n'importe quoi. Tous les samedis par exemple, j'enchaînais 7h de cours d'affilée, sans pause, sans manger. Pas 7h derrière un pc, non. 7h debout, à parler. A la fin de la journée, je n'avais plus de voix, je ne tenais plus debout. J'étais fatiguée physiquement et mentalement. Pas de pause déjeuner, pas le droit de fumer une clope vite fait entre deux cours, à peine le droit d'aller aux toilettes, et risquer de prendre la classe avec quelques minutes de retard.

Les « office hours »

A la différence du point précédent, quand je n'avais pas cours, je devais être au bureau quand même, à ne rien faire. Quand c'était 1h ou 2 par ci par là, ça passait, ça permettait d'équilibrer avec les journées où je n’avais pas le temps de souffler. Les « office hours » c'est les heures de bureau en dehors des classes, le temps de préparation des cours et de correction des devoirs. Sauf que là, c'était des heures et des heures, parfois des journées entières, sur ma chaise, à ne rien faire parce que tous mes cours était déjà prêts, ou alors ça ne me prenait que quelques minutes. Un jour, je n'avais pas cours le lundi, j'ai demandé à avoir ma journée, genre comme j'avais pas cours, peut-être que pour une fois je pouvais avoir un week-end de 2 jours. Ma boss m'a répondu « non, je te paye à temps complet, tu dois être là ». Bref, je peux vous dire que j'ai glandé des heures et des jours entiers. Au début, ça me rendait folle. J'ai fini par apporter mon ordinateur personnel, et je faisais autre chose. Voilà comment j'ai passé des heures sur ce blog, à rattraper mon retard, à coder moi-même le design, à maîtriser analytics. Au moins, j’ai pu acquérir quelques compétences techniques, ce qui faisait cruellement défaut dans mon job.

Le salaire

Ah, cette blague. C'était pas du tout prévu comme ça encore une fois. J'avais un fixe de 8000, plus majoration de 100rmb par heure de cours, quand je dépassais un certain seuil d'heures. Ouais, 100 kuai de l'heure ! Vue le coût de la vie à Shenzhen, c'est vraiment pas terrible. En gros, si tu veux un salaire décent, tu dois donner cours toute la journée, 6 jours sur 7, sinon tu restes à 8000. Bien évidemment, de une, on n’est pas des machines, et de deux, ils n’ont pas assez de succès pour avoir autant de cours à partager entre les profs et nous permettre de gagner un peu plus. Donc tu glandes au bureau, des fois tu enchaînes les heures comme un robot, mais t'as toujours un salaire de merde. Pour donner une comparaison, les cours particuliers, au black, c'est payé entre 200 et 400rmb de l'heure. Évidemment, vue mon emploi du temps, je n'avais ni le temps ni le droit de donner des cours particuliers à côté.

Bref, vous l'aurez compris, les conditions étaient assez nulles. 9h-18h 6 jours sur 7, des week-ends de 1 jour, pas de vacances, pas de sécurité sociale (juste le minimum accident), pas d'avantages, pas de bonus, même pas de hongbao pour le nouvel an chinois.

Mais qu'en est-il du travail en soi ?

Les cours et le travail avec les élèves

Ça se passait globalement pas trop mal, même si des fois l'enseignement d'une langue à la chinoise me semblait complètement what the fuck. J'enseignais à des classes, mais aussi en cours individuel, à des adultes, des jeunes, et des enfants. Mais ce que je n'aimais pas, c'est que c'était toujours la même chose, toujours les même cours niveau débutant à enseigner, qui plus est à des élèves pas toujours très sympas, et je pense surtout aux adultes, qui sont finalement bien plus chiants qu'une bande de gamins de 5 ans à qui on impose l'apprentissage d'une nouvelle langue. Mais globalement ça allait, même si je me faisais incroyablement chier. Je pense que j'ai besoin de plus de diversité dans mes tâches en fait.  

J'enseignais aussi un jour par semaine dans une école primaire publique, cette école a signé un contrat de sous-traitance avec le centre où je travaillais. Là je m'ennuyais un peu moins. En même temps, on trouve pas forcément le temps de s'ennuyer devant une classe de 50 élèves de 10 ans. Oui, tu as bien lu, en Chine ce sont souvent des classes de 50. Mieux vaut ne pas perdre le contrôle. Sinon, je n'avais jamais travaillé avec des enfants, c'était un tout nouveau public pour moi. Et j'ai été impréssionnée par leurs capacités, c'était intéressant.  

L'ambiance de travail

Des collègues qui font leur truc chacune de leur côté, une boss qui ne dit même pas bonjour. Aucune considération, aucun respect. Personne ne s'est même présenté à mon arrivée.

Le management et la communication

A peu près égal à 0. Pendant 9 mois c'était « Ah, on t'a pas dit? ». Quand je suis arrivée, on ne m'a rien expliqué du fonctionnement de l’école, des cours, des élèves, ou de quoi que ce soit. On m’a tendu un bouquin, et basta c’est tout. Ils auraient pu me dire « voilà maintenant tu te démerdes », ça aurait été pareil.

C'est un peu comme ça le management à la chinoise, ce n'est pas ma première expérience en Chine, je le sais, et je le savais aussi à l'époque. Mais quand même, je m'attendais à mieux. 

Leur vision du travail, de la France et de l'enseignement

En plus de ça, ce qui importe c'est la quantité, pas la qualité. Genre on regarde le nombre d'heures que tu as fait, et pas ce que tu en as fait. C'était pareil pour les cours. Par ailleurs, ils considèrent les apprenants comme des clients. D'ailleurs, ils les appellent clients. Ce qui compte, c'est qu'ils payent. Ils n’en ont rien à faire de la qualité de l'enseignement, ou des acquis d'apprentissage. Comme je l'ai dit, c'est une entreprise, leur vocation est plus financière qu'éducative. D'ailleurs, la boss ne parle pas un mot de français, les profs de français parlent assez mal le français, voire très mal pour certaines. Je vous raconte pas les conneries qu'ont peut y enseigner. Quand je suis partie, certains élèves et parents d'élèves m'ont sollicitée pour que je continue à leur donner des cours à côté, car même eux estiment que les profs ne sont pas bons. C'est pas pour être méchante, et ça n'a rien de personnel envers mes anciens collègues, c'est juste un fait. Et elles ne connaissent absolument rien à la culture française, excepté le cliché de la France macarons/Chanel/Tour Eiffel/Oh la la. Et comme c'est vendeur, surtout en Chine, moi j'étais la Française, le faire-valoir de l'entreprise, je sers à faire beau quoi. Oui, enfin non, ça ça marche que quand on est blanc ça apparemment, car bonjour le racisme. (J'en parlais ici). Bref non, désolée, je sais que c'est souvent comme ça en Chine, mais je suis pas venue pour faire la laowai blanche de service. 

 

Mon expérience de prof en Chine
Mon expérience de prof en Chine

Le jour où ça a éclaté, et le jour où ça ne s'est jamais arrangé 

Un jour, j'en ai eu assez, et je me suis plaint. Ma boss m'a dit que de toute façon, ça ne changerait pas. Les conditions resteront les mêmes. Elle m'a laissé le choix de, soit quitter l'entreprise maintenant, soit continuer en temps partiel. J'avais un peu peur de partir d'un coup, vue que je n'avais rien d'autre, pas de plan B, et surtout, toujours ce soucis de visa de travail, comme une épée de Damoclès au-dessus de ma tête. J'ai donc décidé de passer à temps partiel. En gros, à temps partiel, je ne venais plus que pour les heures de cours. Plus d'office hours à glander, je devais juste y aller pour faire le peu d'heures de cours que j'avais à la fin. C'était un peu risqué à long terme, car j'étais donc payée à l'heure. Si j'avais peu d'heures de cours, j'avais peu de salaire. Mais à court terme, c'était une bonne alternative, surtout que j'avais donc pas mal de temps libre pour chercher un boulot et me rendre à des entretiens. 

J'ai donc passé la vitesse supérieure, cherché un autre boulot, et j’ai finalement trouvé, celui que je voulais en plus. J'ai postulé, eu deux entretiens où j'ai pu me rendre, et j'ai été acceptée pour commencer début mai. Oh, joie !

Fin mars, j'informais ma boss que je quitterai l'entreprise fin avril. Dans le contrat c'est bien écrit 1 mois de préavis de toute façon. Bizarrement, elle le prend assez bien. Je lui demande de me faire une attestation d'emploi et de me donner une confirmation d'annulation de mon visa de travail, car c'est obligatoire pour ma nouvelle demande de visa avec le nouvel employeur. Elle me dit qu'elle n'a pas le temps, et qu'elle me donnerait ça plus tard.

Quelques jours plus tard, elle me convoque en rendez-vous. J'y vais, et elle me dit qu’elle ne peut pas me laisser partir, que je dois assurer les cours jusqu’à la fin du contrat, initialement prévu le 30 juin, en gros l'année scolaire. Euh, non ça va pas être possible, vue que je vais travailler ailleurs, je ne peux pas me dédoubler, et puis, c'est mon droit de démissionner, à partir du moment où je respecte les conditions. Elle commence à me menacer et me dit que si je n'accepte pas, elle annulerait mon visa, me mettrait dans la merde auprès des autorités et ne me ferait certainement pas les papiers dont j'ai besoin pour changer de travail. Je n’ai pas trop compris ce revirement de situation, mais bizarrement, je m'y attendais. Ça aurait été trop beau que ça se passe bien. C'est même pire que ça, elle ne voulait pas me payer mon salaire du mois de mars et refusait de signer ma lettre de démission, ce qui est illégal, même en Chine. 

Bref j'accepte le deal, je continue de bosser pour elle et me rendre à l'école primaire le vendredi pendant les deux mois restants. J'ai eu pas mal de chance, mon nouvel employeur a été compréhensif et a accepté de me libérer tous les vendredis jusque fin juin afin que je puisse cumuler les deux postes.

Donc, on avait un accord, je finissais l'année scolaire à l'école à temps partiel, et elle faisait mes papiers. Résultats? Je me suis faite avoir, j'ai joué le jeu, terminé l'année, et elle nous a fait tourner en rond jusqu'à la fin. Elle a mené moi et mon nouvel employeur en bateau, en nous faisant croire qu'elle allait coopérer. Elle a commencé les démarches, pour mieux nous faire croire qu'elle les ferait, et au final, elle n'est jamais allée au bout. Au téléphone, quand je lui ai demandé où en était les démarches de transfert car je commençais à m'inquiéter, elle m'a répondu "non je ne l'ai pas fait en fait, et je ne le ferai pas". Bref, je me suis retrouvée sans possibilité de transférer mon permis de travail, sans plan B, et ce, 2 jours avant la fin de mon permis de résidence !  Le stress total ! 

C'est dingue ce que les gens peuvent être de mauvaise foi. C'est dingue comment on peut se faire avoir justement en étant de bonne foi.

Mon expérience de prof en Chine
Mon expérience de prof en Chine
Mon expérience de prof en Chine

Pour résumer, en gros, ça n'a pas été facile du tout, je m'en suis voulu d'avoir tout quitté pour ça. Et après un bac+5, presque 4 ans d'expérience professionnelle très enrichissante en France, j'étais dégouttée de me retrouver là. Cette expérience, de presque 9 mois, ne m'a pas apporté grand-chose, voire rien du tout en fait. Certes j'ai amélioré mon niveau de chinois, car j’enseignais en 3 langues, et j'ai appris des choses d'un point de vue interculturel, mais c'est tout.

Je n’ai développé aucune autre compétence, j’ai frôlé la dépression et j’ai littéralement perdu mon temps. Je dois avouer aussi que je suis un peu carriériste, donc perdre 9 mois de ma vie à ne quasi-rien en retirer, ça m’a franchement déçue. Si ça avait été juste un job d'été, un stage, un job étudiant ou même un premier job, dans ce cas je l'aurai mieux vécu. Mais là, non merci. Mais bon, au moins j’ai su et pu rebondir.

Depuis mai, je suis chargée d'affaires internationales pour l’université de Pékin, sur le campus de Shenzhen, et tout se passe bien. J’apprends énormément de choses, les gens sont cools, les conditions sont très correctes, c’est super intéressant et ça sera un super tremplin pour le reste de ma carrière. Je suis très contente d’avoir décroché ce poste, qui plus est dans une institution aussi prestigieuse, dans mon domaine initial, et dans la meilleure université du pays.

Dire que j’ai failli faire mes valises et me barrer de là à de nombreuses reprises, finalement, j’ai bien fait de m’être accrochée.

Je suis super en colère, je suis vraiment dégoutée d'avoir non seulement perdu tout ce temps dans ce truc, et en plus de m'être fait avoir comme ça pour les démarches.

Au final, à la suite de ça, j'ai dû refaire un permis de travail avec mon nouvel employeur, donc recommencer les démarches à zéro, mais j'ai eu beaucoup plus de chance et tout s'est très bien passé, sans problèmes. 

Pour ce qui est du centre de formation en question, évidemment je ne veux plus rien avoir à faire avec eux.

Si vous souhaitez être prof en Chine, surtout si vous n'êtes pas professeur à la base, réfléchissez bien. Surtout s'il s'agit d'un contrat dans un centre de langues privé. D'après ce que j'ai ressenti, c'est beaucoup plus correct, professionnel et sympa en école publique. Enfin, c'est mon point de vue aussi. Aussi, négociez bien votre salaire, vos conditions, et les modalités de rupture de contrat.  Si jamais vous vous retrouvez comme moi dans un truc qui ne vous plaît pas, gardez en tête que y'a toujours moyen de changer ça, même si la route est longue et pleine d'encombres !

Surtout, EVITEZ CE CENTRE COMME LA PESTE. 

Si vous avez des questions à me poser par rapport à ça, n'hésitez pas à me laisser un commentaire ou me contacter par email. Suivez-moi aussi sur facebook et instagram !

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M
Hahaha...les Chinois de la Chine continentale !
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C
je vous conseille à travailler àalliance français de toute ville ,plus de français ,plus d‘argent,meilleur de condition !
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L
Bonjour ! Dans le cadre des études, moi et mes camarades aimerions beaucoup vous interviewer sur votre métier, vos conseils et votre expérience. Étant en licence de chinois, nous nous intéressons grandement à la possibilité d'enseigner en Chine. Merci d'avance pour avoir pris en considération notre demande :)
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C
Bonjour Leia. Pourquoi pas ! Par contre, je ne suis pas prof, ce n'est pas mon métier. Je travaille dans l'éducation mais je ne suis pas enseignante. Si vous le souhaitez, je vous invite à me contacter par email (theycallmestranger[at]gmail.com) Au plaisir !
A
Bonjour j'aimerai savoir quel était votre niveau de chinois avant de commencer cet affreux cauchemar. Aviez-vous passé les HSK ou autres ? Merci de votre réponse.
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C
Bonjour Adele, j'avais le niveau HSK3+ avant de commencer cette expéreience, et j'ai passé le HSK4 juste après. Je prépare aujourd'hui le niveau 5.