11 Août 2020
Dans l'article précédent, je vous parlais de l'opéra chinois et de l'opéra du Sichuan (l'article est ici). Aujourd'hui, je continue dans la même thématique et je vous emmène dans les coulisses de l'opéra du Sichuan ! C'est l'occasion pour moi de vous parler un peu plus de la popularité de l'opéra chinois, et ce que j'ai pensé de notre soirée à Shufeng Yayun.
Shufengyayun 蜀风雅韵 est une maison de thé qui propose des spectacles de l'opéra du Sichuan. Elle est assez récente puisqu'elle a été créé en 1998. Le théâtre est situé dans le parc Wenhua (Culture Park, 文化公园), juste en face du lac.
Il y a plusieurs catégories de places, nous avons payé 180rmb chacun (360 pour deux), et il me semble que les catégories plus élevées sont à 250 rmb et 320rmb. Nous n'étions donc pas au premier rang, mais franchement c'était bien. Même du haut de mon mètre 55 je voyais bien la scène. Il y a une petite table entre les deux sièges, du thé, des graines de tournesol pour grignoter, et il est possible d'acheter des snacks et des bières. Il est aussi possible de se faire masser le dos et nettoyer les oreilles (je parle des nettoyeurs d'oreilles dans cet article si ça vous intéresse).
Il me semble qu'il n'y a qu'un spectacle par jour, à 20h, mais je n'en suis pas très sûre, et ça dure 1h30. Aussi, ça se passe en extérieur, mais il y a un toit qui abrite les spectateurs et la scène. Il faisait d'ailleurs bien chaud en plein été ! Heureusement, ils prêtent des éventails et du répulsif pour les moustiques (si comme moi vous attirez ces suceurs de sang comme un aimant, vous serez ravis de l'apprendre).
Aussi, il est possible de rentrer dans les loges ! Elles sont sur le côté, et la porte est ouverte. J'ai adoré voir les acteurs se maquiller, faire une pause, c'était comme entrer dans un autre monde !
J'en ai profité pour prendre quelques photos, évidemment. Bon, elles ne sont pas parfaites mais je les aime beaucoup, je trouve qu'elles dégagent quelque chose de particulier ! Faut dire que le contraste entre la scène et les coulisses est saisissant ! C'est une toute autre atmosphère !
Dans l'article précédent, je vous parlais de l'histoire de l'opéra chinois, qu'est ce qu'on appelle communément opéra chinois, comment il a été créé, tout ça... Plus tard, pendant la Révolution Culturelle, l'opéra traditionnel était évidemment interdit, au profit de l'opéra révolutionnaire : les "huit opéras modèles", seuls opéras autorisés. Ils sont composés de cinq opéras, une symphonie et deux ballets, et ont été mis en place par Jiang Qing, la dernière femme de Mao Zedong. Plus question de mettre en scène des empereurs, des généraux, et des nobles, ni de présenter des œuvres littéraires traditionnelles telles que Voyage vers l'Ouest ou les Trois Royaumes (des classiques que l'on retrouve dans l'opéra traditionnel). Ces nouvelles œuvres glorifiaient la pensée de Mao, l'armée populaire de Libération et le peuple chinois. Comme toutes les formes d'art et de divertissement, l'opéra traditionnel a beaucoup souffert de cette période, mais après la Révolution Culturelle, il est remis en place, et retrouve un regain de popularité.
Aujourd'hui, l'avenir de l'opéra chinois est menacé, dans ce contexte d'une Chine qui se modernise et qui se mondialise. Les jeunes chinois sont de moins en moins intéressés par l’art traditionnel, et encore moins intéressés à l'idée de rejoindre une troupe d’opéra et ainsi perdurer la tradition ! Je ne pense pas que les grands opéras viennent à disparaître sous peu, mais ils sont clairement en déclin, et la question se pose plus sérieusement pour les petits opéras locaux, beaucoup moins populaires. Il y a plus de 360 opéras en Chine, mais certains n'existent déjà plus ou sont sur le point de disparaître. Faute d'audience et de fonds, il n'y a plus de troupes, d'acteurs, de centres de formations, et d'endroits où jouer.
L'opéra traditionnel n'a pas vraiment changé avec le temps, et il ne s'adapte pas aux temps modernes. Il est archaïque, difficile à comprendre, très long à regarder, bref, pas trop le kiffe de la nouvelle génération qui, comme partout, préfère la pop, internet et les séries télé.
Pour pallier à ça, le gouvernement a mis en place certaines réformes pour permettre de conserver cet art : promotion de l'opéra à la télé et dans les médias modernes, représentations à l'étranger, baisse du prix des tickets, fonds d'aide financière aux opéras locaux, inclusion de l'opéra traditionnel dans certains programmes scolaires et refonte des pièces. Par ailleurs, l'opéra chinois (l'opéra de Pékin, l'opéra Yue, et l'opéra Kunqu) est inscrit au patrimoine culturel immatériel de l'Unesco (liste ici), de quoi le protéger d'avantage et sensibiliser les populations, en Chine et ailleurs.
Ainsi, les pièces ont subi quelques changements. Déjà, on va montrer des pièces largement réduites en termes de temps : on passe de plus de 3h, à un set d'une heure ou une heure et demie. Ensuite, l'accent est mis sur les parties plus impressionnantes, qui marchent le mieux, et qui sont susceptibles de plaire à un plus grand nombre et d'attirer le plus de touristes (chinois et étrangers) : acrobaties, cracheurs de feu, bian lian (les fameux changement de masques)... Aussi, n'en déplaisent aux puristes, beaucoup d'opéras locaux sont joués en mandarin, et moins en dialectes locaux, et on retrouve même quelques sous-titres en anglais.
Honnêtement, je pense que Sufeng Yayun est un endroit très touristique, et il est probablement possible de trouver plus authentique (et probablement moins cher) à Chengdu. Il y a beaucoup de touristes chinois, et pas mal de touristes étrangers. Je doute que les locaux aillent dans cette maison d'ailleurs.
Cela dit, tout est fait pour passer un bon moment et découvrir la culture et le folklore local. J'ai passé une excellente soirée, évidemment il y a des parties que j'ai préféré à d'autres (la comédie de la lampe, qui est aussi celle que j'ai le mieux compris en chinois), mais je ne me suis pas ennuyée. Déjà, comme je disais dans l'article précédent, l'opéra chinois est composé de plusieurs éléments. Plusieurs performances, pour plus de divertissement dans un seul spectacle, ce qui peut donc plaire à un large panel de personnes. On est bien loin de l'image que l'on a de l'opéra occidental !
Par ailleurs, bien que ce soit plus intéressant quand on comprend un peu les codes de l'opéra et les différents personnages, je trouve que ce genre de spectacle s'apprécie même si on ne parle pas chinois. Il n'y a pas vraiment de dialogues dans un spectacle de changement de masque par exemple, donc pas besoin de sous-titres pour l'apprécier (hormis le caractère impressionnant de la performance, c'est peut-être pour ça que c'est ce qui marche le mieux à l'étranger). Il n'y a pas non plus besoin de comprendre le chinois pour apprécier la finesse des costumes et les acrobaties du Chou (le rôle de clown), et, bien que l'humour soit culturel, la comédie de la lampe repose sur un élément universel : le rire.
Shufeng yayun entend promouvoir la culture du Sichuan et, selon moi, elle le fait très bien, donc pourquoi s'en priver ! C'était ma 3e fois à l'opéra chinois pour ma part, et je trouve que c'est vraiment quelque chose à voir si vous allez en Chine. Si vous cherchez un endroit où découvrir une des nombreuses facettes de l'opéra chinois et passer un bon moment à Chengdu, vous ne serez probablement pas déçus !
Pour en savoir plus sur l'opéra Sichuan, les différentes parties, personnages, costumes, et maquillages, n'hésitez pas à lire mon article précédent ici.
Où : Shufeng yayun Opera House 蜀风雅韵剧院
Chengdu Culture Park, No. 23 Qintai Road, Qingyang District, Chengdu
成都市青羊区琴台路23号(文化公园内)
Il vaut mieux acheter les tickets en avance. Attention, la billeterie se trouve à un autre endroit dans la rue Qintai, mais vraiment pas loin du théâtre (qui lui se trouve dans le parc)