24 Mars 2023
Après vous avoir parlé du village de Xunpu dans l’article précédent, il est enfin temps de vous parler de Quanzhou. Puisque j’habitais à Xiamen, j’ai eu la chance de visiter Quanzhou à plusieurs reprises, et autant vous le dire dès le début, j’ai eu un gros coup de cœur pour cette ville !
Il y a beaucoup de choses à voir à Quanzhou, je ferais donc plusieurs articles.
Sommaire de cet article :
Quanzhou est une ville côtière du sud du Fujian. Son nom ne vous dit peut-être rien, mais elle était autrefois réputée à travers le monde, notamment grâce à la route de la soie maritime !
Je vous ai déjà beaucoup parlé de la route de la soie, notamment quand nous étions à Dunhuang dans le Gansu.
La route de la soie (sichou zhilu 丝绸之路) était une route commerciale qui liait l'Extrême Orient et l'Occident. Elle s'est développée au cours de la dynastie Han, aux alentours de -200, bien qu'elle était déjà un espace d'échanges avant ça.
Il n'y avait pas qu'une seule route de la soie, il s'agit en fait d'un réseau de routes, terrestres et maritimes. L'axe principal de la Route de la Soie terrestre partait de Xian (Shaanxi). Elle continuait à travers le Gansu, puis contournait le très aride désert du Taklamakan dans le Xinjiang au nord et au sud. Ensuite, elle continuait à travers l'Asie centrale, le Moyen Orient, et terminait sa route dans le bassin méditerranéen, dans l'actuelle Turquie. Elle a perduré jusqu'au 14e siècle, puis elle a été progressivement abandonnée. Plusieurs facteurs ont participé au déclin de la route terrestre : la longueur du trajet, la dangerosité, les situations politiques, les coûts financiers, le manque de demande de certaines marchandises, mais aussi le développement des routes maritimes.
La route de la soie maritime concerne donc les sections en mer de ce réseau historique. Grâce à sa position géographique, les routes au départ de Quanzhou ont commencé à se développer avant même la dynastie Qin. Les navigateurs se rendaient d'abord dans l'archipel japonais et en Asie du sud-est.
Pendant la dynastie Tang, Quanzhou émerge et devient un important centre de commerce, notamment avec le développement des industries de la soie, la céramique, le papier, l'impression, la métallurgie, le thé... Et ce développement commercial a mené à une hausse des exportations, qui ont mené à un développement progressif des routes maritimes vers le reste de l'Asie et l'Afrique. Face à la demande grandissante, Quanzhou était aussi un important centre de construction de bateaux.
Pendant la dynastie Song, Quanzhou se développe encore plus rapidement, pour devenir un des plus gros ports de commerce du monde, titre qu'elle maintiendra pendant la dynastie mongole des Yuan.
La dynastie Ming voit le déclin du commerce international privé et, avec lui, le déclin du port de Quanzhou. Néanmoins, c'est de Quanzhou que seraient parties certaines explorations maritimes et voyages officiels du navigateur Zhenghe.
Sous les dynasties Song et Yuan (960-1368), Quanzhou est alors un des plus grands ports du monde. Centre de commerce majeur et point de départ de la route de la soie maritime, de nombreux commerçants et voyageurs étrangers affluaient à Quanzhou, ce qui lui conférait une dimension cosmopolite et multiculturelle considérable.
La ville était autrefois connue sous le nom de Zaiton (aussi écrit Zayton en anglais), qui est la retranscription de son nom d’origine en arabe. D’ailleurs, le mot satin est lui aussi dérivé du nom de la ville. Le satin est une matière originaire de Chine, importée en Europe et dans le monde arabe par les marchands, vous l’aurez deviné, par le port de Quanzhou.
Intéressant, non ?
Les explorateurs ont aussi visité Quanzhou et ont participé à faire la connaître à travers le monde. C'est le cas d'Odoric de Pordenone, voyageur et missionnaire italien, Ibn Battûta, explorateur marocain, et bien sur, Marco Polo, le fameux marchand vénitien. Marco Polo décrivait d'ailleurs Quanzhou comme une cité des plus vibrantes et un port des plus prospères, « l’Alexandrie d'Asie».
Aujourd'hui, et depuis juillet 2021, 22 sites et monuments de Quanzhou sont inscrits au patrimoine mondial de l'Unesco. Ils forment ensemble ce qu'on appelle "l’emporium mondial de la Chine des Song et des Yuan", et témoignent du dynamisme de la ville et de sa richesse économique et culturelle d’antan.
J'ai adoré me promener à Quanzhou. Toutes ces vieilles ruelles, ces vieilles portes, ces petites boutiques, c'est très animé. Xijie 西街, la rue de l'Ouest, est une des plus vieilles rues de Quanzhou, témoignage de son passé prospère.
La rue Zhongshan 中山路 est une autre rue iconique de Quanzhou. Il s'agit d'une grande avenue de plus de 2km de long qui traverse la vieille ville du nord au sud.
L'architecture date des années 20 et rappelle fortement la grande rue piétonne de Xiamen. C'est normal, c'est plus ou moins la même chose. De plus, les deux rues portent le même nom, Zhongshan. En fait, Zhongshan est le surnom chinois du premier président de la République de Chine, Sun Yat Sen, père de la Chine moderne. De nombreux lieux, parcs et rues, portent le nom Zhongshan en Chine, symbole d'une nouvelle ère.
La rue est bordée des deux côtés par des bâtiments mélangeant l'architecture chinoise, européenne et d'Asie du sud/sud-est, le style Nanyang 南洋 , très en vogue dans le sud de la Chine à la fin du 19e et au début du 20e siècle. En plus de la route soie maritime et de la dimension multiculturelle du Quanzhou médiéval, l'influence étrangère récente dans le Fujian s'explique notamment par le fait que Fuzhou et Xiamen ont été deux ports ouverts au commerce international à la suite la première guerre de l'opium et du traité de Nankin, mais aussi par de grosses vagues d'émigration et l'influence des Chinois d'outre-mer.
Des millions de Chinois d'outre-mer, notamment installés en Asie du Sud-Est, tracent leurs origines dans le Fujian. Evidemment, tous ne sont pas pleins aux as, mais beaucoup de riches commerçants et hommes d'affaires investissent une partie de leurs finances dans leur ville natale. Ils y construisent des écoles, des parcs, des hôpitaux, des routes, des bâtiments (d'où les influences étrangères dans l'architecture), et contribuent grandement au développement économique de la région. Aussi, ils enrichissent leurs familles restées au pays. A Quanzhou, il y a d'ailleurs beaucoup de riches villas, appartenant à d'anciens émigrés ou aux familles de ces Quanzhounais d'outre-mer.
Les bâtiments de la rue Zhongshan comportent un rez-de-chaussée, généralement un commerce, et des étages supérieurs, résidentiels. On peut d'ailleurs encore apercevoir les enseignes des anciens commerces sur les pierres et les devantures. Ce système d'arcades et de pilotis (qi lou 骑楼) comporte aussi un avantage pratique, puisqu'il permet de s'abriter du soleil et de la pluie, très utile dans le sud de l'Asie. J'aime beaucoup ce style d'architecture, c'est très coloré et ça a un petit côté vintage que j'affectionne.
La tour de l'horloge, zhong lou 钟楼, est un monument emblématique de Quanzhou. Elle trône en plein milieu d'un carrefour, à l'intersection entre la rue de l'ouest et Zhongshan road. Elle a été construite en 1935. Mon amie, originaire de Quanzhou, m'a racontée qu'elle avait été construite en l'honneur d'une infirmière, d'où la forme qui rappelle une seringue. Une version de l'histoire nous raconte qu'elle aurait été forcée d'épouser un homme, elle refusa, et mit fin à ses jours. Cet évènement a soulevé des protestations au sein de la jeunesse de Quanzhou, et la tour de l'horloge fut construite en son honneur. Cela dit, ce ne sont que des histoires, et certains disent que les deux évènements, le suicide de l'infirmière et la construction de la cloche, n'ont rien à voir. En tous cas, elle fait partie du folklore.
Quanzhou, c’est donc riche en culture et en histoire, et c’est aussi très agréable à visiter ! Je vous le conseille si vous voyagez un jour dans le Fujian ! J'espère que ce premier article vous aura plu, et je vous dis à très vite pour la suite de cette série !