31 Août 2020
Après notre passage à Leshan (articles ici et là), nous voilà en route pour un autre endroit très connu du Sichuan : Emeishan, ou le mont Emei.
La montagne a une place importante dans la culture chinoise. Étroitement liée à la spiritualité, c'est bien souvent le berceau de nombreux courants de pensée, écoles philosophiques et d'arts martiaux. On la retrouve souvent dans la poésie, la peinture, la calligraphie. Aussi, certaines montagnes possèdent une importante connotation religieuse.
Dans les croyances folkloriques, la montagne est une force spirituelle, une manifestation de la nature, une divinité qu'il faut respecter et vénérer. C'est aussi un élément central du Feng Shui et du taoïsme. Il y a d'ailleurs 5 montagnes sacrées taoïstes en Chine, quatre situées aux points cardinaux et une au centre du pays : le Mont Tai 泰山 (Shandong), le Mont Hua 华山 (Shaanxi), le Mont Song (Henan) , les monts Heng du Sud 衡山 (Hunan) et Heng du Nord 恒山 (Shanxi)
Le mont Emei 峨眉山, lui, est une des 4 grandes montagnes sacrées du Bouddhisme en Chine. Les 3 autres sont le mont Wutai 五台山 dans le Shanxi, le Mont Putuo 普陀山 dans le Zhejiang et le Mont Jiuhua 九华山 dans l'Anhui. Comme beaucoup de montagnes sacrées, Emeishan incarne un boddhisattva. Elle est associée à Puxian Pusa (Samantabhadra), un des 4 grands boddhisattvas en Chine (ils ont chacun une montagne).
Emeishan a plus de 2000 ans d'histoire religieuse. Les temples s'y sont développés dès le 1er siècle, et ont fait d'Emeishan un haut lieu de pèlerinage.
En général, et c'est le cas d'Emeishan, les montagnes en Chine (山 shan) désignent plutôt un ensemble de montagnes, et pas qu'un seul pic. D'ailleurs, il y a 3 sommets principaux à Emeishan : le pic Wanfo 万佛顶, le pic Jin 金顶, et le pic Qianfo 千佛顶. Le massif d'Emeishan est composé de nombreuses rivières, grottes, gorges, falaises, et surtout, de très nombreux temples. Emeishan est aussi réputé pour ses paysages naturels, et la diversité de sa flore et de sa faune.
Le mont Emei est inscrit au Patrimoine mondial de l'Unesco (patrimoine naturel et culturel) depuis 1996.
Grimper une montagne en Chine, PaShan 爬山, c'est une institution ! S’il y a une montagne dans les environs, vous pouvez être sûrs qu'un bon nombre de chinois vous diront qu'ils aiment "pashan" dans leur temps libre. Alors il ne s'agit pas d'alpinisme, d'escalade ou de grimper les plus hauts sommets du monde (quoique les riches chinois sont avides d'alpinisme quand il s'agit de dépenser des fortunes pour atteindre l'Everest), mais simplement de monter une montagne, en empruntant des sentiers balisés et des marches, beaucoup de marches.
En Chine, aller à la montagne c'est complètement différent de l'idée qu'on s'en fait en Occident. En général, l’entrée est payante, c’est balisé, cimenté, on y trouve des restaurants, des aires de repos, et bien souvent des téléphériques pour monter. C'est un peu dommage, on perd le charme sauvage de la montagne, mais bon, c'est comme ça.
Pashan, ça permet de rester en forme, d'admirer la beauté du paysage, se ressourcer, trouver l'inspiration, et profiter d'une belle excursion en famille.
Pour attendre le sommet d'Emeishan, c'est pas moins de 60 000 marches qu'il faut monter, dans un paysage luxuriant, au milieu des arbres et des singes (attention, ils sont très mignons mais très méchants, il y a des panneaux partout, vous êtes prévenus !)
Le sommet d'or (Golden summit, 金顶 jin ding en chinois) culmine à 3099m d'altitude, et c'est le plus populaire des sommets d'Emeishan. Et pour cause : une mer de nuage à n'en plus finir, et une gigantesque statue en or.
Du haut de ses 48m de haut et ses 660 tonnes, elle représente donc Puxian Pusa (Samantabhadra) aux 10 visages, sur des éléphants. Je crois qu'elle est entourée des cendres de moines importants, et, à l'intérieur du stupa, se trouvent des reliques et une statue de Bouddha Maitreya.
En 2016, elle a été rénovée et recouverte à nouveau de 160 000 feuilles d'or. Coût de l'opération : 20 millions.
Les éléphants sont sacrés dans le bouddhisme, et ils sont beaucoup représentés à Emeishan. Il y a d'ailleurs une légende qui raconte que Puxian Pusa aurait donné le bain à son éléphant blanc à Emeishan. Il y a un temple et un bassin qui s'appelle Elephant bathing pool, 洗象池 xixiangchi.
On dit qu'il y a 4 merveilles à Emeishan : le lever du soleil, la mer de nuages, la lumière divine (qui se reflète sur la statue, j'imagine), et la "gloire bouddhiste". En gros c'est un phénomène optique qui se forme avec l'eau et la lumière, et qui crée un espèce d'arc-en-ciel autour de l'ombre de la personne. Apparemment, il y aurait eu des gens qui se seraient jetés d'Emeishan en pensant que Bouddha leur était apparu.
Il y a plusieurs structures au sommet, sur plusieurs plateformes, dont le temple Huazang 华藏寺, le temple Milefo 弥勒佛, le hall Puxian 普贤殿 puxian dian, et le hall du Grand Sage 大雄宝殿 daxiong baodian, qui est le hall principal.
Le temple Huazang (littéralement Chine/Tibet) incarne les deux formes de bouddhisme présentes à Emeishan, le bouddhisme Mahayana (Grand Véhicule) et le bouddhisme Vajrayana (en gros le bouddhisme tibétain). Il a été construit en 1377, et il a d'ailleurs brûlé pendant la Révolution Culturelle où il servait à capter et transmettre des signaux pour la télé locale. Il a été reconstruit en 2006, mais apparemment beaucoup disent qu’il n’est pas authentique et qu'il sert juste à attirer les touristes et les pèlerins et à ramener de l'argent.
Je n'irais pas jusqu'à dire que je n'ai pas aimé Emeishan, je pense fortement que j'aurais aimé cet endroit dans d'autres circonstances, mais c'est clair qu'on n'a pas franchement kiffé notre expérience à Emeishan.
Il faut dire que rien ne s'est passé comme prévu dans notre séjour à Emeishan. On avait prévu de faire tout à pieds, au moins la montée, sur 2 jours. Au pire on redescendait en bus, au mieux on restait un jour de plus (l'avantage de ne pas avoir de programme dans un voyage). On avait l'intention de passer la nuit dans un temple, ce qui est tout à fait possible, et j'imagine, la meilleure façon de "vivre Emeishan" hors des sentiers cimentés majeurs. On s'est levé tôt ce matin-là, on avait préparé notre pique-nique, et on avait prévu de laisser nos gros sacs de voyageurs à l'auberge en ville. Un peu comme quand on était aux Gorges du Saut du Tigre en fait, on était prêt et motivé pour 2 jours de trek.
Mais, déjà, il a plu des cordes toute la matinée. Toute. Sans interruption. Impossible de partir en rando. Du coup on a décidé d'attendre, en se disant que ça allait passer. Malheureusement, quand la pluie s'est un peu calmée pour nous permettre de mettre le nez dehors, il était déjà passé midi. C'est la faute à pas de chance, et puis, juillet n’est pas le meilleur moment pour aller à Emeishan de toute façon, c'était mal parti. Du coup, on a décidé de changer de plan, ou plutôt de faire l'inverse : de prendre le bus pour la montée, puis passer la nuit et redescendre à pieds le lendemain, en espérant que la météo nous le permette.
Donc, nous avons monté une partie de la montagne en bus, puis il faut continuer la montée à pieds (ou en téléphérique, mais les prix sont exorbitants) jusqu'au fameux sommet doré. Et là c'était la débandade. Déjà c'était blindé. Je n'ai rien contre les endroits dits "touristiques", et je trouve ça normal que certains endroits soient plus fréquentés que d'autres. Mais là vraiment c'était n'importe quoi. Des détritus partout, beaucoup de travaux, des gens qui montent sur les statues d'éléphants sacrés pour faire une photo, des guides qui crient dans leur micro, des embouteillages sur le chemin tellement y'avait de porteurs, des parapluies dans la gueule, des gens qui montent avec la techno à fond sur leur téléphone.... Et j'en passe. Vraiment, c'était presque absurde. J'ai visité suffisamment d'endroits touristiques en Chine depuis toutes ces années pour ne pas être surprise de cette expérience vous me direz. Mais là franchement, pour une montagne sacrée du bouddhisme, je m'attendais à une autre ambiance. Ça nous a tellement gavé qu'on a décidé de redescendre, reprendre le bus, et pas continuer le lendemain. Pas vraiment ce que j'avais prévu d’Emeishan. Après ce n'est que notre expérience personnelle, ça ne veut pas dire que c'est nul et que ça ne vaut pas le coup d'y aller.
Peut-être qu'on aurait dû insister et qu'au final on aurait passé un bon moment, loin de ce fameux sommet et de la foule qui s’y presse. Peut-être que j’aurais fini par trouver cette retraite mystique que tout le monde semble venir chercher. Et puis, de toute façon, la météo était tellement dégueulasse qu’on ne pouvait même pas apprécier le paysage tellement y’avait du brouillard. Les bouts de bleu que vous voyez sur quelques-unes des photos, ce sont les seuls moments où le ciel était un peu dégagé.
Bref, un peu déçus de cette excursion à Emeishan qui ne s'est pas déroulée comme je l'imaginais. Je ne regrette pas d'y être allée non plus, et je suis plutôt contente d'avoir vu le fameux sommet du mont Emei. Mais je suis aussi bien contente d'être partie. Je pense que si j'ai l'occasion d'y retourner, je retenterai ma chance sans hésiter, en espérant que ça se passe mieux !
Sachez qu'un billet pour Emeishan (entrée+ bus) coûte la bagatelle de 250rmb par personne. 500rmb pour deux donc. Et sans téléphérique.
Emeishan est situé à une trentaine de kilomètres de Leshan, et le billet de train nous a coûté 18 rmb chacun. Aussi, nous avons logé à l'auberge "Mount Emei Teddy Bear Hostel" (lien booking), pas très loin de la gare d'Emeishan, et nous avons payé 188rmb pour deux et pour deux nuits.