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Le monastère tibétain de Labrang 拉卜楞寺, Xiahe夏河

Nous sommes toujours dans le sud du Gansu et l'Amdo tibétain, terre de nomades à la croisée des cultures tibétaines, mongoles, et chinoises, et je vous retrouve aujourd'hui pour un endroit très connu de la préfecture du Gannan : le monastère de Labrang.

Le monastère tibétain de Labrang 拉卜楞寺, Xiahe夏河

Un grand monastère

Le monastère de Labrang བླ་བྲང་བཀྲ་ཤིས་འཁྱིལ 拉卜楞寺 (lābǔlèng sì en chinois) est situé dans le comté de Xiahe 夏河, à environ 4h au sud de Lanzhou 兰州 (la capitale du Gansu).

C'est un monastère bouddhiste tibétain qui a été fondé en 1709, par Ngawang Tsöndrü, un jeune moine qui, ayant étudié au grand monastère de Drepung à Lhassa, a été ensuite invité par les Mongols qui occupaient la région à revenir et y enseigner le bouddhisme. Il a donc fondé le monastère de Labrang, et est devenu le premier Jamyang Zhaypa de Labrang (titre de lama le plus prestigieux). 

Au début du 20e siècle, le monastère de Labrang occupait une place éducative et religieuse importante dans tout l'Amdo. A son apogée, il y avait environ 4000 moines à Labrang. Aujourd'hui, il y a environ 1600 résidents selon notre guide.

Le monastère tibétain de Labrang 拉卜楞寺, Xiahe夏河
Le monastère tibétain de Labrang 拉卜楞寺, Xiahe夏河

Les bonnets jaunes

Le monastère appartient à la secte Gelugpa (格鲁派 gélupài), plus connue en français sous le nom des Bonnets Jaunes, en référence aux coiffes jaunes qu'ils portent. Il y a en fait 4 branches du bouddhisme tibétain, et Gelugpa est l'école dominante, celle dont est issu le Dalai Lama (le chef spirituel de toutes les écoles du bouddhisme tibétain) et le Panchen Lama (le deuxième chef spirituel).

C'est aussi la plus récente. Elle a été fondée au 15e siècle par Lobsang Dragpa, qui fût guidé par le boddhisattva Manjushri (Wenshu Pusa 文殊菩薩 en chinois). Il a donc fondé l'ordre des bonnets jaunes, et est devenu le premier Ganden Tripa (un chef spirituel de l'école Gelugpa). L'ordre des Bonnets Jaunes prône une pratique du bouddhisme plus stricte, et qualifiée de plus "vertueuse".

Les Bonnets Jaunes ont fondé six grands monastères 六大寺院, dont quatre grands monastères au Tibet : Ganden, fondé par Lobsang Dragpa lui-même, Drepung et Sera, tous deux fondés par un de ses disciples, et Tashi Lhunpo à Shigatsé, fondé par le 1er Dalai Lama. Les deux autres monastères sont en dehors de la région autonome du Tibet : Kumbum dans le Qinghai (construit à l'endroit même où Lobsang Dragpa serait né), et enfin Labrang dans le Gansu. Labrang est le plus grand monastère et la plus grande concentration de moines tibétains en dehors du Tibet. 

Le monastère tibétain de Labrang 拉卜楞寺, Xiahe夏河
L'école à Labrang

L'école à Labrang

Six écoles

Un monastère est avant tout une école, et il y a 6 instituts d'enseignement à Labrang : philosophie, astrologie, médecine traditionnelle et enseignements bouddhistes. Il y a en tout 18 salles d'études, des énormes salles de prières, des bibliothèques qui renferment de nombreux sutras et ouvrages anciens, une salle d'impression et de nombreux bâtiments résidentiels.

à l'institut de médecine

à l'institut de médecine

à l'institut de médecine

à l'institut de médecine

La vie à Labrang

La vie à Labrang

Le monastère tibétain de Labrang 拉卜楞寺, Xiahe夏河
Le monastère tibétain de Labrang 拉卜楞寺, Xiahe夏河

Le kora de Labrang

Tout autour du monastère : le kora. J'ai déjà expliqué dans cet article ce qu'est un kora et ce qu'est la circumambulation. Pour rappel, la circumambulation, c'est l'acte de tourner autour d'un objet ou d'un lieu sacré, un stupa, un temple, une statue, ou même un site naturel. Dans la tradition tibétaine, on appelle ça un kora. Le kora autour de Labrang fait 3,5 km, et c'est aussi la plus longue succession de moulins à prières du monde. Si vous souhaitez en savoir plus sur les moulins à prières, j'en parle ici.

Le monastère tibétain de Labrang 拉卜楞寺, Xiahe夏河
Le monastère tibétain de Labrang 拉卜楞寺, Xiahe夏河
Le monastère tibétain de Labrang 拉卜楞寺, Xiahe夏河

On y croise beaucoup de moines et de Tibétains en prières, notamment le matin, mais aussi des animaux. Comme cette chèvre, qui n'avait que faire des pèlerins qui devaient l'enjamber. Pas dérangée le moins du monde !

Le monastère tibétain de Labrang 拉卜楞寺, Xiahe夏河
Le monastère tibétain de Labrang 拉卜楞寺, Xiahe夏河

 

Le monastère tibétain de Labrang 拉卜楞寺, Xiahe夏河
Le monastère tibétain de Labrang 拉卜楞寺, Xiahe夏河

Architecture

L'architecture du monastère de Labrang est une belle fusion entre l'architecture chinoise et tibétaine (qui incorpore aussi des éléments de l'architecture népalaise). Les matériaux principaux sont la pierre, la terre, le ciment et le bois, peu utilisé dans l'architecture tibétaine et traditionnellement réservé aux structures des bâtiments importants puisque le bois est rare au Tibet.

Les murs sont blanchis à la chaux, parfois noircis à cause de la fumée, et parfois peints en jaune ou rouge selon leur fonction. Les fresques, les portes et les fenêtres, cernées de noir et surmontées de gravures et de rideaux, habillent délicatement les façades. Les murs sont aussi légèrement inclinés vers l'intérieur, afin de résister aux tremblements de terre.

Enfin, les toits sont généralement plats au Tibet, afin de conserver la chaleur, mais ceux des bâtiments religieux ou plus importants sont plus riches, plus sophistiqués, et certains incorporent des éléments de l'architecture traditionnelle chinoise. Certains sont recouverts de dorures, d'autres de tuiles vertes.

Le monastère tibétain de Labrang 拉卜楞寺, Xiahe夏河
Le monastère tibétain de Labrang 拉卜楞寺, Xiahe夏河

 

Le monastère tibétain de Labrang 拉卜楞寺, Xiahe夏河
Le monastère tibétain de Labrang 拉卜楞寺, Xiahe夏河
Le monastère tibétain de Labrang 拉卜楞寺, Xiahe夏河

 

Le monastère tibétain de Labrang 拉卜楞寺, Xiahe夏河
Le monastère tibétain de Labrang 拉卜楞寺, Xiahe夏河
Le monastère tibétain de Labrang 拉卜楞寺, Xiahe夏河

A Labrang, on remarque plusieurs grands chortens (les stupas tibétains dont je parlais plus en détails dans cet article), notamment cet énorme chorten doré (ci-dessous). Comme vous pouvez le constater, il est possible de monter sur le toit, mais il faut payer 20rmb supplémentaires.

Le monastère tibétain de Labrang 拉卜楞寺, Xiahe夏河
Le monastère tibétain de Labrang 拉卜楞寺, Xiahe夏河
Le monastère tibétain de Labrang 拉卜楞寺, Xiahe夏河
Le monastère tibétain de Labrang 拉卜楞寺, Xiahe夏河
Le monastère tibétain de Labrang 拉卜楞寺, Xiahe夏河

Cela dit, on est loin d'un décor figé et aseptisé de carte postale. A Labrang, il y a de la vie. Des gens qui y vivent donc, qui se fondent dans la masse de touristes et de pèlerins, des enfants qui vont en classe, des chiens errants, des travaux, et la peinture est parfois même encore fraîche.

La vie à Labrang

La vie à Labrang

Le monastère tibétain de Labrang 拉卜楞寺, Xiahe夏河
Le monastère tibétain de Labrang 拉卜楞寺, Xiahe夏河
Le monastère tibétain de Labrang 拉卜楞寺, Xiahe夏河
Le monastère tibétain de Labrang 拉卜楞寺, Xiahe夏河

Le lion des neiges

A force, vous savez probablement que je suis légèrement obsédée par les lions ! J’en ai déjà beaucoup parlé et j’ai déjà posté un nombre incalculable de photos de statues de lions sur ce blog (j'en ai aussi un tatoué sur tout le bras ahah).

Mais, aujourd'hui c'est l'occasion de vous parler du lion des neiges 雪狮 (snow lion en anglais). Il est magnifique, blanc et avec la crinière verte/bleue turquoise. C’est un animal légendaire tibétain, et c’est l’emblème du Tibet. Il était d’ailleurs représenté sur le drapeau du Tibet, mais aussi sur les billets, les pièces et les timbres. C'est l'une des quatre bêtes sacrées au Tibet, et il symbolise l'Est et l'élément Terre. Il représente le pouvoir, le courage, la sagesse et la joie. Il réside dans les hautes montagnes où il saute de pic en pic. 

Comme le lion est un symbole du Bouddhisme, le lion des neiges est le protecteur du Bouddha, de son trône, et son rugissement incarne le Dharma (l'enseignement de Bouddha).

Certains lions des neiges sont représentés neutres dans l’art bouddhiste et tibétain, et d’autres sont représentés, tout comme les autres lions de pierre 石狮 qu'on croise en Chine, par paire, un mâle à gauche et une femelle à droite, gardant l’entrée de temples ou de palais.

Magnifique lion des neiges

Magnifique lion des neiges

Le monastère tibétain de Labrang 拉卜楞寺, Xiahe夏河

Les sculptures au beurre de yak

Voici un élément fort intéressant et très spécifique aux temples tibétains : les sculptures faites à base de beurre de lait de yak. En réalité, ce n'est pas le yak, mais la dri, la femelle du yak, qui produit le lait.

Au Tibet, et dans les régions voisines, les fleurs se font parfois très rares, surtout en hiver, et il faut donc redoubler d'effort pour créer de belles offrandes. Et c'est pour cette raison que les moines confectionnent traditionnellement de magnifiques sculptures à l'aide de beurre de lait de yak, enfin, de dri. Ils ont commencé par sculpter des fleurs, puis cet art s'est décliné en de nombreux modèles. Il faut dire que c'est une substance très malléable, ce qui en fait un matériau parfait, mais qui nécessite tout de même une certaine technique. En effet, les sculptures sont entièrement réalisées à la main, puis peintes à l'aide de pigments naturels. Il en existe de toutes les tailles, des toutes petites, qui représentent une fleur ou un des symboles auspicieux, ou de très grandes, représentants des scènes entières du bouddhisme ou du folklore local. En tous cas, c'est très coloré et la finesse des détails est impressionnante ! Néanmoins, je dois dire que ces sculptures dégagent une odeur assez... particulière ! C'est très surprenant la première fois !

Elles sont généralement confectionnées pour le nouvel an tibétain (Losar), mais il est possible d'en voir toute l'année. De manière générale, j'ai beaucoup aimé observer les moines s'atteler à l'artisanat dans les monastères, la confection des thangka, le tissage, la peinture, la calligraphie... C'est très intéressant. Pour ce qui est des yaks, omniprésents dans la culture tibétaine, on crée également des lampes et des bougies à base de beurre, qui illuminent les temples et les autels, et aident à la pratique de la méditation.

Magnifique sculpture en beurre de dri

Magnifique sculpture en beurre de dri

 

Le monastère tibétain de Labrang 拉卜楞寺, Xiahe夏河

En dehors des bâtiments, dans lesquels il est d'ailleurs interdit de prendre des photos, Labrang c'est un dédale de ruelles. Une cité-labyrinthe, entourée de collines verdoyantes. Nous avons adoré nous y perdre, bien qu'on nous ait interdit certains accès à plusieurs reprises. Je ne sais pas trop pourquoi, peut-être que certains endroits ne sont simplement pas accessibles aux visiteurs. A noter qu'il y a certains bâtiments dans le monastère qui sont également interdits aux femmes.

Le monastère tibétain de Labrang 拉卜楞寺, Xiahe夏河
Le monastère tibétain de Labrang 拉卜楞寺, Xiahe夏河

 

Le monastère tibétain de Labrang 拉卜楞寺, Xiahe夏河
Cette vue !

Cette vue !

Visite, accès et hébergement

Nous sommes arrivés à Xiahe en bus, en provenance de Lanzhou. Le trajet a duré 4h et nous a coûté 75rmb chacun. A Xiahe, nous avons logé à l'hôtel Overseas Tibetan Hotel (lien booking). Nous avons payé 486rmb pour deux et pour deux nuits, ce qui est un peu plus cher que notre moyenne habituelle, mais c'est assez touristique comme coin, et l'hôtel était situé à deux pas du monastère.

Pour ce qui est de la visite de Labrang, le billet d'entrée coûte 40rmb, et il est possible d'avoir une visite guidée avec un moine, en anglais. C'est gratuit et je crois qu'il y a deux visites par jour. Honnêtement c'était très bien, et très intéressant. Cependant, il allait très vite, pas toujours évident de le suivre ! Il parlait aussi beaucoup de sujets bien trop abstraits pour notre groupe d'occidentaux, et évoquait souvent des concepts bouddhistes auxquels on n'était pas suffisamment sensibles pour comprendre le fond de son discours. D'ailleurs il nous posait des questions sur des choses très floues, histoire de nous faire participer à la discussion, mais sans vraiment apporter lui-même d'éléments de réponse après. Qu'est-ce que la souffrance ? Vous avez 4h. Mais sinon c'était vraiment très intéressant, je ne regrette pas du tout. C'est quand même mieux de visiter un monastère accompagné d'un moine !

Une dernière chose, qui m'a un peu mise mal à l'aise dans le sud du Gansu et particulièrement à Labrang, c'est la présence policière. Comme je l'évoquais dans mon article d'introduction sur notre voyage au Gansu (ici), il y a une très grosse présence policière et militaire dans la région. A Labrang, les fourgons et les voitures de police se succédaient sans cesse dans la rue centrale. Il y a la police partout, des contrôles tous le temps, c'est très surveillé. Depuis les protestations de 2008, il y a eu un certain nombre d'arrestations, de détentions, d'émeutes, et même des immolations à Labrang...

 

Le monastère tibétain de Labrang 拉卜楞寺, Xiahe夏河

Autour de Labrang

A environ 15km au sud ouest du monastère, les steppes de Sangke 桑科草原. Il s'agit d'une vaste prairie verdoyante, couverte de fleurs à perte de vue, et où coule paisiblement la rivière Daxia 大夏河, affluent du fleuve jaune 黄河. En été, les nomades y plantent leur tente et les bergers viennent faire paître leurs troupeaux. Il est possible d'y faire une rando à cheval et probablement de passer la nuit dans une tente.

Le monastère tibétain de Labrang 拉卜楞寺, Xiahe夏河
Le monastère tibétain de Labrang 拉卜楞寺, Xiahe夏河

Il est aussi possible de louer des mobylettes ou des quads dans les prairies. Avec Antoine on était justement dans une tente en train de louer un quad lorsqu'il s'est mis violemment à pleuvoir et à grêler d'un coup, nous forçant malheureusement à rebrousser chemin. 

Le monastère tibétain de Labrang 拉卜楞寺, Xiahe夏河

Conclusion... et Alexandra David-Néel

Voilà, c'était, je crois, le dernier article sur les préfectures tibétaines de Chine, et je trouve que le monastère de Labrang ferme plutôt bien ce chapitre ! J'ai d'ailleurs créé une catégorie spéciale sur le blog, qui rassemble donc tous mes articles concernant les préfectures de Diqing (Yunnan), Garze (Sichuan) et Gannan (Gansu). Elle s'intitule "Préfectures Tibétaines" et se situe à droite dans la catégorie "Voyages en Chine" (en bas de page sur la version mobile).

Vous l'aurez certainement compris, j'ai adoré découvrir ces régions sauvages et spirituelles ! Ça a été pour moi un véritable coup de cœur et une belle révélation ! J'ai été fascinée par la culture tibétaine et j'entends bien en voir plus à l'avenir ! Si vous aussi ça vous intéresse, je vous conseille de lire les superbes ouvrages d'Alexandra David Néel, que j'ai découvert il n'y a pas si longtemps que ça (tardivement, le mot est faible).

Alexandra David-Néel est née le 24 octobre 1868 et morte le 8 septembre 1969 (oui, à 101 ans !). Cette Franco-Belge était, entre autres, exploratrice, orientaliste et tibetologue. Elle a étudié le tibétain et le sanskrit, le bouddhisme en Inde, rencontré le 13e Dalaï Lama, voyagé en Chine, en Inde, au Tibet, en Corée, au Japon, traversé la Chine d’Est en Ouest pendant des années, étudié le taoïsme sur place en plein conflit sino-japonais, et aussi passé 3 ans au monastère Kumbum dans le Qinghai. Bref, une vie trépidante ! En 1924, à 56 ans, elle fait la une des journaux pour avoir été la première femme occidentale à séjourner au Tibet. Un de ses livres, Voyage d’une Parisienne à Lhassa, publié en 1927, raconte son voyage, du Yunnan à Lhassa, qu’elle a effectué déguisée en mendiante tibétaine, accompagnée de son fils adoptif, le moine Yongden. C’est un périple incroyable, tellement audacieux pour l’époque ! J'ai adoré ce récit de voyage, et on apprend beaucoup sur la culture tibétaine ! Ça m'a permis de continuer à rêver d’aventures et de ces contrées lointaines !

Le monastère tibétain de Labrang 拉卜楞寺, Xiahe夏河

Sur ce, je vous dis à bientôt pour de nouvelles aventures dans le Gansu et on se retrouve très prochainement sur l'ancienne Route de la Soie !

Le monastère tibétain de Labrang 拉卜楞寺, Xiahe夏河

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